Dans une économie européenne à la croisée de transformations multiples, l'immobilier logistique est appelé à jouer un rôle central en matière d'emploi, de compétitivité et de croissance. Et la France bénéficie d'atouts indéniables pour profiter de cette tendance de fond.
Depuis la crise sanitaire, les chocs ont été nombreux et synonymes de ruptures en matière de géopolitique, de transition avec des impacts sur l'ensemble des classes d'actifs. Si le secteur de la logistique a été rapidement impacté par la baisse des valeurs, notamment via la hausse des taux d'intérêt depuis 2022, il a rapidement rebondi depuis la fin 2023 sur le marché des foncières cotées et de l'immobilier non coté. Cette vitesse de rebond du secteur reflète, dans un contexte de ralentissement économique, les anticipations des investisseurs à moyen et long termes sur le potentiel du secteur immobilier et de l'ensemble de la filière logistique, notamment depuis la géo-fragmentation des échanges commerciaux.
Certes, la position de la France a toujours été un atout pour le secteur de la logistique en raison de sa situation géographique et de la qualité de ses infrastructures autoroutières, aéroportuaires et maritimes de qualité. Les deux facteurs – crise sanitaire et position stratégique – expliquent l'attractivité de la France. La nécessité d'une plus grande souveraineté européenne en matière d'approvisionnement et de chaînes de production dans des secteurs clés, avec des partenaires économiques tels que l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Belgique et la Suisse, place la France comme le nœud stratégique pour une redistribution « essentielle » de biens sur une partie de la zone euro et de l'Europe.
D'ailleurs, quelques chiffres témoignent de l'accélération de l'activité depuis la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine : en France, le commerce en ligne est passé de 9,9% en 2019 à près de 15% en 2024. Le chiffre d'affaires du fret lié à cette activité est en hausse de près de 40% sur l'ensemble de l'année 2024, comparativement à 2020. Le chiffre d'affaires des activités de poste et de courrier liées au e-commerce est en hausse de près de 50%, essentiellement en lien avec le B to C, alors que les services de livraison au-delà d'un certain montant sont gratuits pour le consommateur.
Quant au chiffre d'affaires des transports et de l'entreposage, la hausse est de 50% par rapport à 2020, avec un chiffre d'affaires pour la seule activité d'entreposage qui est en hausse de 30% par rapport à 2020 (+18% pour le frigorifique contre +32% pour le non frigorifique), tandis que les chiffres d'affaires de la manutention portuaire sont en hausse de quasi 30% et de près de 55% pour la manutention non portuaire.
Socle de l'armature logistique dans une approche de territoires
L'accélération structurelle de la demande a été satisfaite par la qualité de l'offre : les 3700 plates-formes logistiques de plus de 10 000 m2, pour une surface totale de 90 millions de m2, sont un atout, d'autant que leur distribution est équilibrée entre les différents nœuds établis (18% en Île-de-France, 17% dans les Hauts-de-France, 13% en Auvergne-Rhône-Alpes, 11% dans le Grand Est), autour de Paris, Lille, Lyon et Marseille et le reste des territoires (5% en moyenne pour les autres régions françaises). Si le stock, toute surface, est concentré sur l'Île-de-France en raison de sa position centrale, c'est Marseille qui a observé la plus forte hausse de nouvelles surfaces sur les dix dernières années : près de 14% du total construit en France.
Au-delà de la répartition géographique, et tacitement de l'aménagement du territoire, la distribution sectorielle de la filière témoigne aussi de la polyvalence fonctionnelle française des plates-formes et de leur compétitivité sur l'ensemble du territoire, un autre atout : selon les données de France Logistique1, 32% des produits transportés sont associés au commerce, 20% à l'industrie, 25% aux transports et 14% à l'entreposage, 9% pour d'autres usages. En termes de transports, les plates-formes logistiques consacrent 30% aux biens manufacturés, 27% à l'alimentaire, 15% aux matériaux de construction et 28% à d'autres produits manufacturés-industriels.
Du capital humain à l'intelligence artificielle
Officiellement, selon les données de France Logistique, 10% des emplois sont associés au secteur stricto sensu de la logistique. Une analyse des différentes branches suggère une contribution de la filière logistique plus globale en matière d'emploi et de contribution au PIB. En effet, selon nos calculs, sa contribution a minima aurait été en moyenne de 18% et 22% du PIB entre 2000 et 2023, si l'on tient compte de la transversalité de la logistique aux autres secteurs. La filière associe une nomenclature de 25 métiers, des ingénieurs (de 1 à 2,2% selon les régions), conducteurs-livreurs (de 25 à 30% pour les conducteurs contre 15 à 21% pour les livreurs coursiers) aux magasiniers qualifiés (de 12 à 15% selon les régions).
La sophistication des plates-formes, de la supply chain et la maximisation de la productivité expliquent la croissance dans le recrutement des profils issus du monde de l'ingénierie, de la robotique industrielle2, de la digitalisation ou de l'intelligence artificielle : les acteurs se doivent en effet de déployer des solutions de pilotage, de monitoring, de suivi des risques dans un contexte de transition climatique et de développement durable. En ces domaines, la R&D française sait tirer son épingle du jeu, et les applications industrielles responsables (notamment sur le « E » de l'ESG) sont nombreuses pour le secteur : par conséquent, il faut cultiver le vivier de nos talents, comme Voltaire nous dit qu'« il faut cultiver notre jardin » en leur offrant les opportunités et le champ de l'interdisciplinarité, ce que permet la filière.
Rétrospectivement, le rapport « France Logistique 2025 »3 publié en 2016 et codirigé par les ministères de l'Économie (de l’Industrie et du Numérique), de l'Environnement (et du Climat) et des Transports avait bien compris que les infrastructures du secteur et leur répartition territoriale pourraient être des facteurs clés en termes de croissance et de transition énergétique. Si en 2016, la terminologie consacrée était celle de la croissance verte, depuis 2022, les enjeux de souveraineté et de ruptures technologiques – dont le rôle de l'intelligence artificielle dans de nombreux secteurs d'activités logistiques – font comprendre le rôle majeur de la filière dans le cadre de la « réindustrialisation », à l'« hyperindustrialisation » pour une croissance durable. Au-delà de cette logistique lourde de production, la logistique du dernier kilomètre, la logistique urbaine, de stationnement ou de circulation sont elles aussi nécessaires pour construire « la ville sur la ville », dans une approche fonctionnelle d'une ville plus durable.
La filière logistique française, par ses contributions en matière d'emploi, de compétitivité industrielle et de croissance potentielle, est identifiée par les investisseurs comme un vecteur de performances responsable. C'est une condition nécessaire, mais non suffisante : le soutien des pouvoirs publics et la stabilité politique sont clés. A bon entendeur ...
1 France Logistique a été créée en 2020. C'est l'association qui représente les acteurs privés de la logistique et du transport de marchandises en France, et dont les membres fondateurs sont des organisations professionnelles (Afilog, AUTF, CGF, OTRE et Union TLF).
2 Les logisticiens, les prestataires 3PL, les grands groupes de distribution (Decathlon, Uniqlo...), voire les acteurs du e-commerce, utilisent des solutions robotiques telles que développées par Exotec, pionnier dans le domaine depuis 2015.
3 La stratégie nationale « France logistique 2025 » reposait sur cinq axes : 1. Faire de la plate-forme France une référence mondiale ; 2. Développer le capital humain ; 3. Faire de la transition numérique un vecteur de performance logistique ; 4. Utiliser la logistique comme levier de transformation des politiques industrielles et de transition énergétique ; 5. Instaurer et animer une gouvernance, intégrer de la logistique.
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