Les temps sont devenus plus durs pour les organisations caritatives et les fondations de bienfaisance britanniques qui investissent dans l’immobilier, et les conséquences de la volatilité actuelle du marché se font sentir. Cependant, un certain nombre d’approches peuvent être adoptées pour surmonter ces défis.
La gestion de portefeuilles immobiliers en détention directe est devenue beaucoup plus difficile pour les organisations caritatives et les fondations de bienfaisance ces dernières années. La pandémie, l’inflation élevée et la hausse du coût de la vie ont exacerbé la situation et accentué la polarisation entre les secteurs. L’un des plus remarquables est celui des bureaux, où l’on observe des changements structurels en permanence dus à l’augmentation du travail hybride.
Environnement de marché difficile
Cet environnement économique et social en perpétuelle mutation réaffirme l’importance de la diversification des investissements et la nécessité de se concentrer sur des secteurs du marché capables de générer des revenus résilients et croissants grâce à la croissance des loyers. Il est absolument essentiel pour les organisations caritatives d’examiner de près de quelle manière elles investissent dans l’immobilier, et où. Est-il judicieux d’investir dans des actifs immobiliers en détention directe, compte tenu des problèmes de gestion quotidienne ou vaut-il mieux envisager une approche de fonds en gestion commune indirecte avec un gestionnaire spécialisé qui comprend la complexité de l’immobilier et les exigences croissantes de la gestion opérationnelle des actifs ?
Diversification dans le secteur de l’immobilier
Avant 2012, les secteurs immobiliers étaient fortement corrélés et suivaient la conjoncture économique. Toutefois, à partir de 2012, le commerce de détail a connu un changement structurel, avec le passage au commerce en ligne au détriment des centres commerciaux et des grandes rues commerçantes, au profit de l’entreposage et de la logistique (industrielle), comme en témoigne le retour sur investissement correspondant de l’immobilier dans les secteurs du commerce de détail et de l’industrie.
Plus récemment, l’évolution vers le travail hybride a également entraîné un changement structurel dans l’immobilier de bureaux, où l’on observe une polarisation croissante entre les bureaux de qualité supérieure (de classe A), bénéficiant d’une bonne luminosité, d’espace, de commodités et de références ESG, et les immeubles de bureaux plus secondaires, incapables d’attirer les collaborateurs hors de chez eux. Cette polarisation entraîne une réévaluation spectaculaire des loyers de bureaux, et de nombreux bureaux secondaires risquent de devenir des actifs échoués, associés ainsi à une forte perte de valeur.
La diversification est donc essentielle à tout portefeuille immobilier, non seulement entre les secteurs, mais aussi à l’intérieur des secteurs. Parallèlement, il est nécessaire de comprendre les changements structurels qui s’opèrent dans la société autour des trois grands thèmes que sont la technologie, la démographie et l'infrastructure. Une approche thématique de la recherche en investissement permettra ainsi de comprendre clairement les domaines de l’économie et du marché immobilier qui stimuleront la demande locative future et, in fine, la croissance des loyers et les rendements immobiliers à long terme.
La forte croissance des investissements dans les secteurs alternatifs s’explique par ces tendances, les investisseurs délaissant les secteurs traditionnels du commerce de détail et des bureaux. Ces secteurs alternatifs (par exemple le logement étudiant, les maisons de retraite, le stockage privé, le secteur résidentiel, hôtelier, etc.) requièrent systématiquement un niveau d’expertise opérationnelle, en plus de la gestion immobilière, ce qui constitue une barrière pour les investisseurs directs peu expérimentés dans ce secteur.
Exigences en matière d’ESG et de DPE
Les critères ESG n’ont jamais autant compté pour les organisations caritatives et les fondations de bienfaisance, d’une part, pour s’assurer que tout investissement est conforme à la mission ou à l’objectif caritatif sous-jacent et, d’autre part, pour que l’immobilier puisse répondre aux ambitions du « Net Zero Carbon ». Parallèlement aux exigences réglementaires croissantes imposant des objectifs en matière de DPE (émissions) pour la location de tout immeuble commercial, à partir de 2027 il faudra obtenir une notation DPE d’au moins « C », qui devrait passer à « B » à partir de 2030. Ces évolutions requièrent de la part des organisations caritatives qu’elles examinent attentivement leurs portefeuilles immobiliers en détention directe afin de s’assurer qu’ils soient conformes aux normes. Cela pourrait nécessiter des dépenses en capital et des flux de trésorerie considérables pour répondre à ces normes. Une autre possibilité pourrait consister à vendre des actifs sur le marché. Toutefois, de nombreux biens immobiliers, en particulier dans le secteur difficile de l’immobilier de bureaux, sont confrontés à une baisse de leur valeur et à un risque de devenir des actifs échoués.
Il est essentiel de solliciter des conseils professionnels pour comprendre les risques associés à un portefeuille immobilier en détention directe et les dépenses accrues qui seront nécessaires au cours des cinq prochaines années pour satisfaire aux nouvelles normes.
Détention directe ou indirecte de biens immobiliers?
Jusqu’à il y a quelques années, la gestion d’un portefeuille immobilier était relativement simple pour les organisations caritatives. La perception des loyers et la gestion des propriétés selon les termes du bail ne posaient pas beaucoup de difficultés. Mais avec la conjoncture économique, la poussée d’inflation, la hausse des taux d’intérêt et l’intensification des mesures de réduction des émissions de CO2, la détention de propriété a littéralement changé de visage. Parallèlement, la gestion quotidienne des biens immobiliers s’est complexifiée et les coûts d’entretien ont augmenté.
De plus, les attentes des locataires en termes d’aménagement se sont accentuées. En tant que propriétaire, il s’agit désormais de comprendre les besoins des locataires d’un immeuble, en particulier de bureaux, tout en tenant compte de l’impact du développement des lieux de travail hybrides. Un autre aspect à noter est la durée des baux. Au lieu de conclure des baux de 10 à 15 ans comme par le passé, les propriétaires doivent faire face à la croissance des bureaux équipés ou sur mesure, et sont de plus en plus contraints d’accepter des baux de cinq ans, souvent assortis d’une clause de résiliation à trois ans.
Tous ces changements nécessitent des connaissances plus techniques en immobilier et des compétences en gestion opérationnelle de la part des propriétaires immobiliers. Pour de nombreuses organisations caritatives et fondations de bienfaisance qui détiennent des biens immobiliers en direct, une période de transition pourrait s’avérer nécessaire pour s’aligner sur les gestionnaires professionnels de placements immobiliers en vue de repositionner le portefeuille et déterminer si la détention directe est la solution à long terme. L’autre solution consisterait à investir indirectement dans un fonds d’investissement immobilier en gestion collective géré de manière professionnelle – supprimer la gestion quotidienne mais rester exposé à la classe d’actifs grâce à un portefeuille d’actifs institutionnels de qualité qui génèrent un revenu stable et répondent aux objectifs de l’organisation en termes de retour sur investissement et d’exigences ESG.
De toute évidence, les prochaines années seront difficiles pour les organisations caritatives qui investissent dans l’immobilier. Les exigences en matière d’ESG et de DPE, l’évolution des modes de travail et l’inflation sont autant de facteurs qui impactent la mutation structurelle du marché immobilier. Il n’y a pas une seule « bonne façon » de relever ce défi. Il sera inévitable de revoir les stratégies et de prendre des décisions difficiles, mais il est essentiel de se faire conseiller par des professionnels pour définir la voie optimale et apporter les meilleures solutions à ces défis.
Swiss Life Asset Managers est l’un des principaux investisseurs immobiliers d’Europe, fort de plus de 125 ans d’expérience dans la gestion immobilière.