Vivre et travailler en ville atteint ses limites. Toutefois, les derniers taux de vacance le prouvent : la ville conserve son attraction. Ses espaces publics et son potentiel de densification continuent d’offrir les plus grandes opportunités de croissance.
Ces 30 dernières années, la population résidante de Suisse est passée de 6,9 à 8,7 millions de personnes. Le nombre d’actifs est passé de 4,2 à 5,2 millions. La croissance se concentre sur les centres urbains, où de plus en plus d’emplois sont créés, en particulier dans le secteur tertiaire, en croissance constante, qui emploie 90% de la main-d’œuvre. De manière générale, les gens s’installent là où les postes de travail sont facilement accessibles. Mais l’offre d’espace habitable est limitée. En outre, les modèles de travail hybrides modifient les préférences en matière de logement. Le potentiel urbain est-il épuisé ?
Une croissance portée par l’offre
L’accroissement de la population suisse est inégalement réparti : relativement faible en ville (0,7% par an), il est de 0,8% dans les zones rurales et de 0,9% dans les périphéries et les agglomérations. Cette évolution à long terme reflète surtout une chose : il n’y a pas suffisamment d’espace habitable dans les centres urbains. Selon Wüest Partner AG et les données de Baublatt, bien plus de 80% des biens locatifs étaient construits en ville il y a 20 ans. Depuis, les zones suburbaines et rurales ont rattrapé leur retard. Actuellement, près d’un tiers des appartements à louer voient le jour en dehors des villes, la plupart du temps dans les agglomérations. En 2022, la construction de logements s’est même effondrée dans les villes, en raison de la hausse des coûts de construction, de la rareté des terrains et d’obstacles réglementaires.
C’est dans les zones suburbaines que le volume annuel glissant de permis de construire accordés pour des logements a connu la plus forte hausse, avec 6% par rapport à l’année précédente, tandis qu’il a diminué de 19% dans les villes. Les ménages ont réagi en adoptant de nouveaux comportements en matière de déménagement. Une tendance que la pandémie a renforcée.
Evolution des schémas migratoires
Lors des deux ans de pandémie, la plupart des salariés ont passé le plus clair de leur temps de travail chez eux, bon gré mal gré. La navette quotidienne n’avait plus lieu d’être et la distance entre lieu de travail et lieu de résidence a été reléguée au second plan. De nombreuses personnes ont alors décidé de chercher un nouveau logement dans un rayon géographique plus large. Une évolution qui a aussi modifié le schéma de la
migration interne. Celle-ci s’est déplacée dans les zones suburbaines et rurales. Si avant 2020 on y comptait entre trois et cinq nouveaux arrivants pour 1000 habitants, ce chiffre oscille entre huit à neuf sur les deux
dernières années. A l’inverse, deux personnes pour 1000 habitants quittent aujourd’hui l’espace urbain, contre une personne en moyenne auparavant.
Si l’on considère l’immigration en provenance de l’étranger, qui a globalement été plus élevée durant les deux années de pandémie, le tableau est quelque peu différent. Ce sont les villes qui arrivent en tête,
avec entre sept et huit immigrants pour 1000 habitants. Cela s’explique par le fait que les nouveaux arrivants s’installent généralement à proximité immédiate de leur lieu de travail. Par conséquent, les villes continuent de croître, bien qu’à un niveau inférieur à celui pré-covid.
Le taux de vacance reste faible
Outre le marché du travail, la forte densité des villes contribue également à leur attrait. Obtenir plus
d’espace sur une superficie réduite et profiter directement des infrastructures et des places publiques crée une valeur ajoutée évidente. Wüest Partner AG a évalué 260 000 contrats de location pour les années 2005 à 2021. Résultat : les espaces publics et les places prestigieuses des villes ont un effet de prix de plus de 10% sur les appartements en location. La qualité a de l'attrait, c’est aussi la raison pour laquelle, dans la plupart des villes, le taux de vacance des appartements locatifs est de deux points de pourcentage inférieur à la moyenne suisse.
Une demande supérieure à la moyenne
L’interne avant l’externe
La concentration du logement et du travail dans les villes a également des raisons politico-juridiques : En 2013, le peuple a voté en faveur de la loi sur l’aménagement du territoire. Désormais, l’urbanisation
suit un développement vers l'intérieur. Les espaces existants sont densifiés grâce au développement ciblé des biens. Le but est de construire et de développer les pôles d’attraction de la population et là où les infrastructures sociales et de transport existent déjà. Les possibilités sont vastes : les réserves internes recèlent le même potentiel que les terrains à bâtir. Une étude de l’EPF de Zurich montre qu’il est possible, avec les réserves d’utilisation internes estimées dans les surfaces déjà aménagées, de créer des espaces habitables pour 1,4 million de personnes, soit plus que la population des six plus grandes villes de Suisse réunies.
Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), avec l’allongement de l’espérance de vie et l’augmentation de l’immigration nette, la population passera à 10,4 millions d’habitants d’ici 2050 (+1,8 million). Parmi les grandes communes, ce sont encore les villes qui vont croître. Selon les prévisions relatives à la population et à l’emploi, cette tendance devrait se poursuivre. Au cours des dix prochaines années, la croissance annuelle de l’emploi et de la population dans des villes comme Zurich, Genève, Winterthour ou Lausanne devrait être supérieure à la moyenne suisse.
Croissance plus marquée dans les villes
Les investisseurs à long terme ont tout intérêt à tenir compte du potentiel de densification et à investir dans les infrastructures et espaces publics. Même si la croissance urbaine devrait être plus modérée qu’auparavant, les réserves internes sont loin d’être épuisées. Le développement vers l'intérieur des villes suisses ne fait que commencer, ouvrant ainsi la voie à la croissance future.
Première publication dans « l'Exposé », novembre 2022