Les indices d’obligations à haut rendement et d’emprunts garantis de premier rang en euros et en USD ont bien performé en 2023 et leurs rendements sont actuellement nettement supérieurs à leur moyenne sur dix ans. Sven Kreitmair, Portfolio Manager Credit, et Pieter Rommens, Head Senior Secured Loans, mettent en lumière l’environnement de marché du crédit et tablent sur des performances avantageuses pour les placements dans le leveraged finance en 2024.
Dans un contexte de baisse des taux et des primes de risque de crédit (spreads), les obligations à haut rendement (high yield bonds, HY) et emprunts garantis de premier rang (Senior Secured Loans, SSL) en euros et en USD ont dégagé une performance totale de plus de 10%. Elle a été nettement plus élevée que prévu. Dans un environnement de crédit marqué par l’inflation des coûts, la faiblesse de la croissance, l’augmentation des taux d’intérêt, le durcissement des normes d’octroi de crédit des banques et des taux de défaut en hausse.
Les primes de risque de crédit des obligations high yield ont baissé de 130 points de base (1,3%) en 2023, après avoir atteint près de 500 points de base (5%) en début d’année. Les niveaux records de volatilité des spreads de l’année écoulée sont principalement dus à deux facteurs : au premier semestre, ce sont les faillites du secteur bancaire régional américain qui ont alimenté l’incertitude et fait grimper les spreads de 1,5% ; au second semestre, ce sont les craintes quant à la persistance de l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt qui les ont fait monter de 0,8%.
Taux de défaut en hausse, mais les émetteurs notés BB présentent un risque plus faible
Peu après le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, et également déclenché par une hausse des taux d'intérêt, les taux de défaut du segment sub-investment grade ont augmenté, en Europe à partir de février 2022, et aux Etats-Unis à partir d’avril 2022. Selon Moody’s, ils se situent actuellement à 3,6% en Europe et à 5,5% aux Etats-Unis. Ainsi, en Europe comme aux Etats-Unis, ils sont supérieurs à la moyenne des deux dernières décennies de 3,2% respectivement de 3,9%. Pour 2024, les prévisions dans un scenario de base de l'agence de notation tablent sur une nouvelle hausse du taux de défaut avant qu’il n’atteigne un pic, avant d’entamer éventuellement une baisse.
Toutefois, sur un horizon d’investissement d’un an, les taux de défaut mondiaux moyens des émetteurs notés BB ne sont que d’environ 1% alors qu’ils sont nettement plus élevés pour des qualités de crédit inférieures (environ 3% pour ceux notés B et 9% pour ceux notés CCC). En outre, les pertes potentielles en cas de défaut sont réduites par le taux de recouvrement, qui représente en moyenne à long terme environ 40% pour les obligations et 60% pour les SSL. Mais ce produit peut être très différent selon l’état du cycle de défaut et selon que l’obligation est garantie sur les actifs ou non.
Les facteurs techniques et fondamentaux soutiennent les obligations à haut rendement
Swiss Life Asset Managers estime que plusieurs facteurs techniques et fondamentaux plaident en faveur d’investissements dans des fonds obligataires et de crédit à haut rendement et les rendent moins risqués qu’il n’y paraît à première vue. En 2024, la persistance du niveau élevé des rendements, tout comme l’accent mis sur la sélection des crédits seront des facteurs déterminants pour la bonne performance de cette classe d’actifs.
- Part BB : La part des émetteurs notés BB reste élevée et proche de sa moyenne sur 10 ans. La part des crédits BB, qui ont un taux de défaut comparativement plus faible comme mentionné ci-dessus, est actuellement de 70% pour le HY en euros et près de 50% pour le HY en USD. Concernant les emprunts garantis de premier rang, la proportion d’émetteurs notés BB est passée sous la barre des 40%. Néanmoins, en termes absolus, le segment BB de meilleure qualité a progressé parallèlement à la forte croissance de la classe d’actifs.
- Taille de l’indice et émissions nettes : Depuis son niveau record de 2022, l’indice des obligations à haut rendement et des emprunts garantis de premier rang a reculé. Cela profite très largement aux spreads de crédit. Deux raisons principales expliquent ce « rétrécissement ». D’une part, plusieurs « rising stars » , c’est-à-dire des émetteurs dont la note de crédit s'est améliorée leur permettant de quitter la catégorie HY pour rejoindre celle investment grade. D’autre part, après des émissions records en 2020–2021 en 2022–2023, les ventes nettes1 d’obligations à haut rendement et de SSL ont baissé. Malgré des taux toujours élevés et un recul de la demande de financements d’acquisition (M&A), les émissions devraient augmenter en 2024, afin de refinancer les échéances de 2025. Même si cela devrait conduire à une certaine volatilité des spreads, le niveau des émissions nettes devrait être plus proche de la moyenne des années précédentes et donc absorbable pour le marché. En outre, cela crée des opportunités d’investissement intéressantes, les émissions de refinancement étant associées à une prime spécifique. Il est également probable que de nouveaux noms fassent leur apparition sur le marché du haut rendement. Cela devrait assurer une certaine diversification.
- Crédits stressés (distressed) : Il s’agit de crédits émis par des émetteurs dont au moins une obligation présente un spread de crédit supérieur à 1000 points de base (comparable à un SSL négocié à moins de 80 ct du pair). Cette proportion est actuellement de 9% (Etats-Unis) et 10% (Europe) pour les obligations à haut rendement. Une grande partie du risque de défaut sur les segments de notation les plus faibles est ainsi déjà intégrée dans les spreads.
- Duration historiquement basse : Pour les indices HY en euros, la duration est de 2,7 ans soit son plus bas niveau depuis 10 ans ; pour les indices HY en USD, elle est de 3,3 ans soit bien en dessous de la moyenne sur dix ans de 4,1 respectivement de 4,5%. Ce faible niveau de duration réduit l’impact de la volatilité des spreads et des taux sur la performance en 2024.
- Ratios de crédit : Les principaux ratios de crédit des émetteurs d’obligations à haut rendement restent assez confortables. Bien que les taux de croissance du chiffre d’affaires et de l’EBITDA soient en baisse depuis le deuxième trimestre 2002 et que l’endettement net ou la couverture des intérêts se soient affaiblis au cours des derniers trimestres, ils restent supérieurs à leurs moyennes à long terme.2
Perspectives de rendement total positives pour les obligations à haut rendement et les emprunts garantis de premier rang
Malgré la forte performance de l’année dernière, les rendements actuels des obligations high yield en euros (6,3%) et en USD (7,7%) ainsi que des SSL en euros (8,0%) et en USD (8,7%) restent supérieurs de 1 à 2% (HY) et de 3% (SSL) à leur moyenne sur dix ans. Compte tenu de ces rendements toujours élevés et de niveaux de duration historiquement bas, nous tablons à nouveau sur une bonne performance des obligations à haut rendement en 2024. Les emprunts garantis de premier rang à taux variable continueront de bénéficier d’un environnement de taux élevés et généreront à nouveau des rendements attrayants en 2024.
Les émissions notées BB en euros restent privilégiés
Compte tenu des incertitudes accrues sur le marché du crédit, de la haute volatilité des spreads et d’une probable nouvelle hausse des taux de défaut et des primes de risque de crédit, au moins pendant quelques mois, nous continuons de privilégier le segment BB relativement sûr, tant pour les obligations à haut rendement que pour les emprunts garantis de premier rang en euros. Le rendement actuel du segment BB pour les obligations HY et SSL est de 5 à 6%, aussi bien en USD qu’en euros. Néanmoins, nous privilégions les titres notés BB en euros dont la prime de risque de crédit (par rapport aux obligations souveraines) est supérieure d’environ 0,6% à celle des titres notés BB en USD, pour les obligations HY. Par ailleurs, la prime de risque de crédit des titres BB en euros – contrairement aux titres BB en USD – n'est actuellement inférieure que de 0,3% à sa moyenne sur dix ans. Enfin, les obligations hybrides émises par des sociétés notées investment grade et que nous considérons comme des composants solides des portefeuilles high yield représentent près de 30% de l’indice des BB en euros.
En outre, contrairement aux BB en USD, la prime de risque de crédit des BB en euros n'est actuellement inférieure que de 0,3% à sa moyenne sur dix ans.
1 Ventes brutes moins les obligations arrivées à échéance, proposées à l’échange et annulées.
2 Source : données de J. P. Morgan, à l’exclusion du secteur financier et des services aux collectivités